Effectivement la vidéo n'est qu'une "démonstration", un coup de communication pour l'armée. En fait je suis passé par ce cursus là aussi.
Pour ce qui est de la formation, j'avais commencé sur les vieilles Griffet G15 et Haulotte HA12. En fait, on passait à l'époque ce qu'on appelle un C.T.E (certificat technique élémentaire) qui durait 4 semaines.
Ensuite fin 2004, on a reçu les premières LTM 1055, seuls quelques-uns avaient été à l'usine Liebherr en Allemagne pour une première formation et ensuite, à leur tour, ils ont formés les collègues dessus.
Un stage de 5 semaines pour nous (depuis plutôt 3-4 semaines) pour ce qu'on appelle une Formation d'Adaptation (ou F.A.).
Les missions des grutiers militaires sont sensiblement différentes de celles que l'on retrouve en travaillant chez un levageur. Dans le "train", ils bougent surtout des conteneurs, voir quelques camions. Nous, dans le Génie, ma compagnie était spécialisée dans le montage et l'entretien des voies ferrées (la 10e Compagnie de Travaux Voies Ferrées du 5e RG pour ne pas la nommer).
Donc on chargeait et déchargeait des wagons, des camions, on ré-enraillait les trains déraillés, on remettait droits les engins ou camions renversés, on mettait en place des travures de voies ferrées (des morceaux de 10 à 12 tonnes en moyenne). Il m'est arrivé de décharger à Satory les engins et chars accidentés en opérations pour attendre leurs expertises, faire des essais de chargement de nouveaux matériels pour la Section Technique de l'Armée de Terre, lever des locotracteurs pour changement de bogies. Chaque 14 juillet (jusqu'en 2009) j'étais d'astreinte au régiment pour le débarquement/rembarquement des véhicules qui défilaient sur les champs, au cas ou l'un d'entre eux ait la bonne idée de descendre de son wagon autrement que par le quai.
Il m'est arrivé de monter des éclairages sur le toit des bâtiments, d'aider la section patrimoine à installer des groupes électrogènes pour les vieux métros et accessoirement de charger des statues lors du déménagement du matériel à la dissolution du régiment en juin 2010.
En résumé, l'activité principale c'est plutôt du lourd en fonction des capacités de la machine (en moyenne entre 10 et 32 tonnes, mon plus gros déchargement ayant été un char Shermann de 38T), rarement du léger loin et très haut, ce que l'on nous demande plutôt en général avec une telle grue chez un levageur : Bungalows, clims, banches...
Le plus lourd que j'ai eu à lever avec ma 55T dans le "civil" jusqu'à présent, ça a été 17t, un socle pour silos de centrale à béton, quelques pelles hydrauliques de 15 et 16 tonnes en rade mais la moyenne se situe plutôt entre 1,5t et 10t maxi, d'ailleurs en équipement standard je n'ai qu'au maxi des chaînes pour 20 tonnes alors que pour l'armée c'était pour 32 tonnes.
C'est aussi pour cela que la version militaire n'a que 3 éléments de télescopes contre 4 pour la version civile, pas de fléchette treillis, en revanche en standard des écarteurs pour ne pas écraser les cabines des engins.
Je ne pense pas que l'on soit si mal formé à l'armée, le CACES lui-même (je parle en initial) ne dure lui que 15 jours ou 3 semaines, le civil qui en sort ne sait pas mieux travailler que le militaire après 4-5 semaines.
C'est chez le patron qu'on apprend le plus, pas pendant la formation. Pour preuve, ma reconversion, ça a été le recyclage du CACES. Temps total : 45 minutes : 15 mn de QCM (100% de bonnes réponses juste en révisant mes cours de l'armée de 2004) et le reste en pratique. Mon patron est plutôt content de moi, vu que pas mal de clients réclament après moi pour d'autres chantiers, ce qui est plutôt flatteur et encourageant.
En fait, pour être franc le plus dur pour moi a été de m'habituer au nouveau rythme de travail, différent de celui de l'armée où on n'est pas tous les jours toute la journée dans la grue mais où on fait plein d'autres choses, du sport, conduire d'autres engins etc. Mais ça n'a pas quand même nécessité d'effort surhumain. Un levage pour l'armée c'est pareil qu'un levage ailleurs, chaque levage étant toujours unique, que ce soit 100kgs ou 100 tonnes.
Je dirais juste que le problème avec certains conducteurs d'engins militaires quels que soient les engins, c'est qu'ils n'ont pas forcement utilisés beaucoup leurs machines au regard du temps total de service. À l'armée, on passe plein de qualifications mais tout le monde sait bien qu'il est impossible d'être excellent ou même seulement bon en tout.
Pour finir, je rebondirai sur la réaction de Loïc :
Dans le civil sur une 55 tonnes, le problème de personnel pour le chargement des C-P ne se pose pas puisqu'on les garde en permanence.
Mais quand on met les blocs sur une grue, le grutier n'est pas tout seul sinon il lui faut 3 semaines par blocs. Quand je pars avec la 22Ot, il y a un gars ou deux qui accroche(nt) le bloc sur la semi, un qui le décroche sur la grue et le grutier reste dans sa cabine. Je ne vois pas trop la différence à part qu'on n'utilise pas de cordes.
Voilà messieurs et bon dimanche à tous !